Expliquez-moi : le filtre radiofréquence

Expliquez-moi : le filtre radiofréquence

Dans toute la section « Expliquez-moi », nous allons tenter d'exposer en quelques lignes les points essentiels pour bien comprendre le projet ANR-LiLit.

Sur cette page, vous trouverez une introduction au dispositif essentiel à la transmission de données mobiles : le filtre radiofréquence

 

À quoi ça sert ?

   Avec le développement à grande échelle de la téléphonie mobile, de l’internet des objets (IdO) et des autres moyens de transfert de données sans fils, rares sont les bandes de fréquence encore non-utilisées. De plus, leur accès est réglementé par des licences qui peuvent coûter extrêmement cher. Dans ce trafic surchargé, il faut être capable d’isoler l’information utile à la réception, et de s’assurer qu’on ne perturbe pas les autres utilisateurs à l’émission. Ce sont là les deux fonctions principales des filtres radiofréquence utilisés tout appareil connecté (téléphone, montre, enceinte, …). 

 

Présentation simplifié d’un système de réception et d’émission radio

   Il existe de nombreuses architectures d’émetteur-récepteur radiofréquence (RF), mais le principe de base reste le même : le rôle de l’émetteur est de translater le signal à émettre depuis les basses fréquences (la bande de base) vers les radiofréquences, tandis que le récepteur réalise l’opération inverse.
Ces opérations s'effectuent grâce à un signal RF de référence appelé porteuse, dont on vient moduler l’une des caractéristiques (amplitude, phase ou fréquence) à l’aide du signal à émettre. Le signal à émettre est ainsi porté par cette référence, et peut être récupéré par le récepteur en utilisant cette même référence.

 

Schéma bloc simplifié d'un émetteur radiofréquence (RF)

    L'émetteur RF

   L’émetteur RF utilise une fonction électronique de mélangeur pour réaliser une multiplication du signal à émettre par la porteuse synthétisée à l’aide d’un oscillateur local (cf. schéma bloc ci-contre). Le signal RF obtenu par cette opération a un spectre fréquentiel centré sur la fréquence de l’oscillateur local (i.e. la fréquence porteuse). Ce signal est ensuite amplifié grâce à un amplificateur de puissance, puis envoyé dans l’antenne après avoir été filtré par le filtre passe-bande.

Il faut préciser que certaines des fonctions qui viennent d’être présentées et en particulier celles du mélangeur et de l'amplificateur sont réalisées à partir de circuits actifs et donc de transistors. Or le transistor a un comportement intrinsèquement non linéaire, et cette caractéristique se retrouve au niveau du mélangeur et de l’amplificateur. Ces non-linéarités entraînent alors une distorsion du signal et surtout la génération de signaux parasites à d’autres fréquences que la fréquence d’émission. La législation réglemente très strictement les niveaux de ces signaux ainsi émis, de façon à ne pas parasiter les autres communications sans-fils.  Le filtre RF passe-bande a donc ainsi une importante fonction qui est d’assurer cette spécification.

Schéma bloc simplifié d'un récepteur radiofréquence (RF)

    Le récepteur RF

   À l'autre bout de le transmission, il y a le récepteur RF, qui a pour objectif d’extraire le signal utile du signal RF reçu. Cette opération s’effectue à nouveau à l’aide d’un mélangeur et d’un oscillateur local capable de synthétiser la même fréquence porteuse que celle utilisé à l’émission.

L’antenne est ici un composant passif qui permet de détecter des ondes électromagnétiques dans une certaine bande de fréquence. Ainsi, on reçoit au niveau de l’antenne, le signal RF que l’on souhaite détecter ainsi qu’une multitude de signaux parasites provenant d’autre communications. Le problème des non-linéarité se pose à nouveau car cette fois, on risque plus de parasiter d’autres communications, mais plutôt d’en être victime. En effet, on peut montrer que ces non-linéarités génèrent des phénomènes d’intermodulation, et un signal qui se trouve à une fréquence différente de la fréquence de réception peut être transposé en bande de base avec le signal utile. Si ce signal parasité n’a pas été suffisamment atténué, il peut ainsi recouvrir totalement le signal utile et empêcher la réception. Ainsi, il est absolument indispensable de filtrer le signal derrière l’antenne autour de la bande de réception.

Ainsi, à l’émission, le filtre RF a pour fonction essentielle d’éviter l’émission de tout parasite qui pourrait perturber les autres communications sans fil, tandis qu’à la réception un deuxième filtre est nécessaire pour assurer la détection du signal utile et pour le protéger des parasites.

 

SAW et BAW : deux technologies pour le filtrage RF

   La taille des composants utilisés dans la téléphonie cellulaire n'a fait que réduire de génération en génération, et naturellement les filtres RF n’ont pas échappé à cette tendance.

   Les premières fonctions de filtrage RF étaient réalisées à partir de filtres diélectriques utilisant des résonances électromagnétiques. Ces composants étaient très robustes et peu onéreux, mais leur encombrement était un défaut majeur pour l’intégration en téléphonie mobile. C’est ainsi que les composants acoustiques ont remplacé leurs prédécesseurs. Ces derniers permettant la propagation d’ondes élastiques à des vitesses de l’ordre de 105 fois moins importantes que celle d'ondes électromagnétiques, ainsi il est possible de réduire drastiquement la taille des composants.

Schéma du dispositif à onde élastique de surface de White et Voltemer (1965) [1]

 Le filtre à onde acoustique de surface, ou SAW

   La technologie des filtres à onde acoustique de surface (ou SAW pour Surface Acoustic Wave) fut la première utilisée pour cette application, et a littéralement explosé sous l'impulsion du marché de la téléphonie mobile.
Cette technologie repose sur les travaux de White et Voltmer qui ont démontré expérimentalement dès 1965 [1] la génération d’ondes élastiques de surface sur un substrat piézoélectrique. Ils ont pour cela réalisé une structure dite de peignes interdigités (figure ci-contre). Ces peignes interdigités sont les transducteurs qui permettent, grâce à un signal électrique alternatif, de générer une onde élastique de surface sur un substrat piézoélectrique. Mais cette dernière présente certaines limitations, notamment lorsque la puissance du signal est élevée. Et, même si des solutions sont imaginées par les concepteurs de SAW, ces composants ne sont pas compatibles avec des technologies de fabrication de la microélectronique, interdisant donc l’intégration sur silicium, et la réalisation à terme de toutes les fonctions du téléphone sur une seule puce.

Le filtre à onde acoustique de volume, ou BAW

   Cette limitation étant très contraignante, une nouvelle technologie s'est installée depuis les années 80 exploitant des ondes élastiques de volume (ou BAW pour Bulk Acoustic Wave) cette fois. En effet, le premier dispositif à onde élastique de volume n’est autre que le résonateur à quartz, bien connu aujourd’hui pour son application comme base de temps dans les montres. Ces derniers sont réalisés à partir de substrats monocristallins qui sont amincis afin d’obtenir la fréquence de résonance désirée. Içi, la fréquence de résonance est inversement proportionnelle à l’épaisseur de la couche piézoélectrique, le développement des techniques de dépôt de couches piézoélectriques en films minces a ainsi permis d'atteindre des hautes fréquences tout en conservant un couplage électromécanique élevé [2]. L’oxyde de zinc (ZnO) ou le nitrure d’aluminium (AlN) sont les matériaux les plus utilisés encore aujourd’hui.

Film Bulk Acoustic Resonator, ou FBAR

FBAR réalisé par usinage de volume

    Les couches mines déposées présentent en général une structure polycristalline, mais lorsqu’elles sont correctement orientées, elles peuvent être utilisées pour la génération d’ondes élastiques de volume, ouvrant donc la voie à la réalisation de résonateurs BAW comme les résonateurs à quartz, mais cette fois en films minces. De façon à pouvoir exploiter au mieux les résonateurs BAW, il faut isoler le résonateur du substrat. Pour cela, plusieurs méthodes ont été développées, la première en date est l’usinage de volume (Bulk Micromachining) qui consiste à graver l’intégralité du substrat sous le résonateur [3-5]. On obtient alors une structure dite FBAR, pour Film Bulk Acoustic Resonator représenté ci-contre.

FBAR réalisé par usinage de surface

  

   Malheureusement cette technique d’usinage possède plusieurs inconvénients dont la fragilisation du substrat silicium. Pour éviter cela, une technique dite d’usinage de surface (surface micromachining) [6] a été développée. Cette dernière utilise une couche sacrificielle pour réaliser une cavité d’isolation sous le résonateur permettant ainsi de conserver l’intégrité du substrat (cf. figure à droite) et ouvre ainsi des perspectives d’intégration sur circuit intégré.
 

Solidly Mounted Resonator, ou SMR
Structure à réflecteur de Bragg

  

   Enfin, la dernière technique d’isolation repose sur le principe du réflecteur de Bragg permettant de réfléchir l’énergie acoustique émise par le résonateur dans une certaine bande de fréquence [7]. Le réflecteur de Bragg est une alternance de couches ayant une forte et une faible impédance acoustique. La structure ainsi obtenue est beaucoup plus robuste que celles présentées précédemment car toute la structure est solidaire du substrat. Cela lui a valu le nom de SMR, pour Solidly Mounted Resonator représentée ci-contre.

Tous ces travaux ont permis de repousser les limites en fréquence des résonateurs à quartz conventionnels et permettent aussi de réaliser des structures potentiellement plus compactes que les SAW. Mais surtout, ils ouvrent la voie à l'intégration des résonateurs et filtres RF à hauts facteurs de qualité sur circuit intégré.

 

[1] R.M. White and F.W. Voltmer, "Direct Piezoelectric Coupling to Surface Elastic Waves". Applied Physics Letters, 1965. 7(12): 314-316.
[2] R.M. White, et al., "Bulk ultrasonic transducer employing piezoelectric film on thin metal sheet". IEEE Transactions on Sonics and Ultrasonics, 1981. 28(1): 8-13.
[3] K.M. Lakin and J.S. Wang, "UHF composite bulk wave resonators". in 1980 Ultrasonics Symposium. 1980. IEEE.
[4] T.W. Grudkowski, et al., "Fundamental mode VHF/UHF bulk acoustic wave resonators and filters on silicon. in 1980 Ultrasonics Symposium. 1980. IEEE.
[5] K. Nakamura, et al., "ZnO/SiO2-diaphragm composite resonator on a silicon wafer". Electronics Letters, 1981. 17(14):507-509
[6] H. Satoh, et al. "An air-gap type piezoelectric composite thin film resonator". in 39th Annual Symposium on Frequency Control. 1985. 1985. IEEE.
[7] L.N. Dworsky and L.C. Mang, "Thin film resonator having stacked acoustic reflecting impedance matching layers and method". 1994, Google Patents.

Anthony Almirall, 09/2019